Avec Greta Thunberg et le mouvement «Fridays For Future», le monde s’est réveillé: la durabilité est enfin devenue un sujet de préoccupation pour la société. De plus en plus de consommatrices et consommateurs la voient comme un critère important et sont prêts à payer des prix élevés pour des produits durables. Mais durabilité et consommation peuvent-elles aller de pair?
Vous vous trouvez ici:
Connecta: la durabilité et la consommation peuvent-elles aller de pair?
À l’occasion de Connecta, l’événement numérique organisé par la Poste et PostFinance, une cinquantaine d’expert(e)s du numérique nous font découvrir leur domaine de spécialité. Pia Furcheim, professeure de marketing à l’Institut de Marketing Management de la ZHAW School of Management and Law, présente dans sa tribune le sujet «la durabilité dans la société».
Dans quelle mesure la consommation durable l’est-elle réellement?
La tendance à la hausse de la consommation durable et la disponibilité accrue des produits alternatifs sont des pas importants dans la bonne direction. Toutefois, le danger latent de cette évolution est de déresponsabiliser trop tôt les consommatrices et consommateurs. L’on peut donc se demander dans quelle mesure la consommation durable l’est réellement.
Ne pas négliger le niveau général de consommation
Pour la plupart d’entre nous, durabilité signifie simplement acheter des produits durables. Nous ignorons donc souvent notre niveau général de consommation. En jetant un coup d’œil dans la littérature, l’on constate que les débats sur la durabilité portent surtout sur le moment de l’achat (voir Prothero et al. 2011). Le problème de cette vision étriquée est que la durabilité reste indiscutablement couplée à la consommation, alors que son niveau général continue de croître.
715 kilos de déchets par personne
Nous consommons toujours en trop grande quantité et trop vite. Nous remplaçons des produits et/ou les jetons alors qu’ils fonctionnent encore. Les motifs sont nombreux, à commencer par l’évolution technologique, qui semble rendre obsolètes les modèles précédents, sans oublier les changements de société qui font naître des tendances (p. ex. la quête de produits durables), les cycles de vie de plus en plus courts des produits ou encore les effets de mode. Le résultat de ce consumérisme se reflète dans la quantité de déchets, en hausse constante. Avec 715 kilos par personne, la Suisse figure parmi les pays produisant le plus de déchets à l’échelle mondiale (Office fédéral de l’environnement OFEV, 2021).
Durabilité, oui. Mais encore?
Adopter un mode de vie durable implique l’utilisation réfléchie de ressources limitées. Il ne s’agit pas seulement de ce que nous achetons, mais aussi de ce qu’il advient des produits après achat. Par exemple: combien de temps utilisons-nous un produit, et que se passe-t-il après usage? Même si la tendance au recyclage s’est amplifiée en Suisse, nous avons encore une belle marge de progression. Revenons sur la quantité de ressources précieuses et limitées qui est stockée chez nous, dans des greniers ou des caves, et qui n’entre donc pas dans le cycle de production. Selon une statistique récente, plus de 200 millions d’anciens téléphones mobiles traînent dans les tiroirs, rien qu’en Allemagne (Brandt, 2021). La matière première pour leur fabrication pourrait être recyclée plutôt que d’être extraite de la terre avec un écobilan désastreux.
Réparer, réutiliser, recycler
Sur la voie d’un avenir durable, nous n’avons pas d’autre choix que de rester dans l’air du temps en adoptant un comportement d’achat et de consommation durable (réparer, réutiliser, recycler). Il n’y a pas de retour possible dans un monde où la durabilité n’est pas une priorité. Une fois les bonnes questions posées, les années à venir s’annonceront exaltantes et prometteuses.
Sources: Prothero, A., Dobscha, S., Freund, J., Kilbourne, W. E., Luchs, M. G., Ozanne, L. K. et Thogersen, J. (2011). Sustainable Consumption: Opportunities for Consumer Research and Public Policy. Journal of Public Policy & Marketing, 30 (1), pp. 31-38.
Portrait
Dr Pia Furchheim enseigne le marketing à l’Institut de Marketing Management de la ZHAW School of Management and Law. Elle travaille comme enseignante, formatrice et responsable de projets de recherche et de conseil axés sur les habitudes de consommation et l’étude de marché.