Qui sont au juste les nomades numériques?

Lorenz Ramseyer: Les nomades numériques sont des personnes salariées, indépendantes ou dirigeantes d'entreprise qui travaillent principalement avec des technologies numériques. L’ordinateur portable, le smartphone et différentes applications en ligne constituent leurs principaux outils de travail. À part l’électricité et une connexion Internet sans fil, ils n’ont généralement pas besoin d’infrastructure. C’est pourquoi les nomades numériques peuvent travailler partout et mènent souvent une vie sans contrainte de lieu, ou ont plusieurs lieux de domicile et de travail.  

Peut-on alors simplement qualifier le nomadisme numérique de nouveau modèle de travail?

Non, c’est bien plus que cela. C’est un style de vie à part entière. Le but des nomades numériques n’est pas de devenir millionnaire au sens traditionnel du terme, mais, comme je le qualifie, «millionnaire de son temps». Avoir du temps pour voyager, pour sa famille et ses proches revêt une importance particulière pour de nombreux nomades numériques.

Qui est donc concerné par le travail indépendant du lieu?

Plus de la moitié des personnes travaillant en Suisse sont des «knowledge workers». Ils ne sont pas liés à un environnement de travail spécifique et auraient la possibilité de travailler indépendamment du lieu. Un tiers d’entre eux le font déjà occasionnellement. Le nomadisme numérique n’est donc pas limité aux free-lances travaillant à l’étranger. Il est également possible de l’intégrer au quotidien des personnes en poste fixe: ponctuellement et en Suisse, par exemple sous la forme d’une workation (mêlant travail et vacances) en montagne.

Pourquoi une entreprise devrait-elle investir dans le travail indépendant du lieu?

Pour se préparer à un nouveau monde du travail. À l’avenir, le travail se fera encore plus indépendamment du lieu. Les responsables de conduite et les collaboratrices et collaborateurs communiqueront différemment, utiliseront de nouveaux canaux et de nouvelles formes de collaboration. Il faut s’y entraîner.

Le projet Innotour «Good Work Schweiz» en est un exemple. En tant que consultant pour le travail à distance, j’aide les destinations touristiques telles que l’Aletsch Arena et Gstaad à tirer profit de ce nouveau secteur d’activité que représente les «remote workers». Nous développons aussi bien des workations en solo qu’en équipe, qui permettent au personnel des entreprises de travailler dans un nouvel environnement tout en bénéficiant d’ateliers et de possibilités de réseautage. Le but est de renforcer l’attractivité et la satisfaction du personnel tout en favorisant la productivité.

L’aspect écologique joue-t-il aussi un rôle?

Oui, le travail indépendant du lieu peut réduire l’empreinte écologique d’une entreprise en minimisant les temps de trajet et les voyages d'affaires.

Quelles opportunités le style de vie des nomades numériques offre-t-il?

Le style de vie des nomades numériques offre de nombreuses opportunités, comme la possibilité de découvrir de nouvelles cultures et de construire un réseau mondial. Qui plus est, ces nomades peuvent concevoir leur environnement de travail de manière flexible, ce qui mène souvent à davantage de satisfaction et de productivité. Les entreprises profitent de la diversité et des perspectives neuves qu'apportent les nomades numériques.

Et quels sont les risques?

Parmi les risques, on compte les défis liés à l’autodiscipline et la gestion du temps, notamment lorsque l'on doit composer avec différents fuseaux horaires. Il y a aussi le danger de l’isolement social et la difficulté à conserver un équilibre stable entre vie professionnelle et vie privée. En outre, des incertitudes juridiques et fiscales peuvent se présenter quand on travaille dans différents pays.

Comment les nomades numériques peuvent-ils conserver un équilibre sain entre vie professionnelle et vie privée, en particulier lorsqu'ils travaillent dans différents fuseaux horaires ou voyagent souvent?

Les nomades numériques devraient définir des plages de travail claires et prévoir des pauses régulières pour prévenir le burnout. Il est également important de soigner les contacts sociaux, que ce soit via les réseaux locaux ou les communautés en ligne, afin d’éviter la solitude. Les stratégies telles que l’agencement d’un espace de travail fixe et l’utilisation d’espaces de coworking peuvent aussi aider à trouver un bon équilibre.

Face à l'augmentation des cybermenaces, quelles mesures de sécurité les nomades numériques devraient-ils prendre afin de protéger leurs données?

Comme c’est le cas dans d’autres métiers de l’informatique, les nomades numériques devraient toujours utiliser des VPN (Virtual Private Networks) afin de sécuriser leur connexion Internet, particulièrement sur les réseaux publics. Des mises à jour régulières des logiciels et des mots de passe forts et uniques sont également essentiels. De plus, ils devraient faire attention aux tentatives de phishing et partager leurs données sensibles uniquement via des canaux cryptés.

Comment le marché du travail suisse s’est-il développé ces dernières années par rapport au travail indépendant du lieu?

Le marché du travail suisse a changé ces dernières années, notamment en raison de la pandémie et de la pénurie de personnel qualifié, ce qui a poussé de nombreuses entreprises à mettre en place des modèles de travail flexibles. Des secteurs tels que l’IT, le marketing et le conseil sont particulièrement en avance dans ce domaine. Les bureaux traditionnels se sont transformés en espaces de travail hybrides servant aussi bien à la collaboration qu’aux interactions sociales.

Quel est le cadre politique nécessaire pour favoriser le travail indépendant du lieu tout en protégeant les droits des nomades numériques?

De nombreux nomades numériques sont free-lances et sont donc peu protégés par le droit du travail. Ils doivent s’occuper eux-mêmes de leur prévoyance et de leurs assurances. C'est pourquoi nous sommes en discussion avec les syndicats et les associations professionnelles afin d’aborder précisément ce type de questions. Les impôts sont également un sujet à traiter: en principe, les personnes sont soumises à l’impôt dans le pays dans lequel elles travaillent. Mais il existe des zones floues: par exemple, si quelqu’un déclare son départ de Suisse et entre dans un pays avec un visa de touriste pour y travailler sur des projets numériques. À mon avis, les autorités fiscales sont encore un peu dépassées par ces formes de travail virtuel.

Quelles compétences et connaissances seront particulièrement importantes à l’avenir pour les nomades numériques?

Les nomades numériques devraient disposer de solides aptitudes en matière de gestion personnelle et de communication. Des connaissances techniques, particulièrement en lien avec les outils de travail à distance et la cybersécurité, sont également essentielles. La flexibilité et la capacité d’adaptation sont décisives afin de s’habituer rapidement aux nouveaux environnements et conditions de travail.

Comment les outils d’IA et l’automatisation changent-ils le mode de travail des nomades numériques?

Les outils d’IA et l’automatisation peuvent aider les nomades numériques à travailler plus efficacement en prenant en charge des tâches répétitives et en permettant des analyses de données en temps réel. Les outils tels que les chatbots, les logiciels de gestion de projet et les solutions de marketing automatisées peuvent nettement faciliter le quotidien professionnel et permettre de dégager du temps pour les tâches créatives et stratégiques.

Quel rôle le métavers et les postes de travail virtuels jouent-ils pour l’avenir du travail indépendant du lieu?

Le métavers et les postes de travail virtuels peuvent révolutionner l’avenir du travail indépendant du lieu en offrant des environnements de travail immersifs et interactifs. Ces technologies permettent d'organiser des réunions et de collaborer dans une réalité virtuelle, ce qui est un moyen de plus de surmonter la distance physique tout en cultivant de nouvelles formes d’interaction et de créativité.

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